TFS : Veuillez décrire votre parcours après TFS.
YVAN BAKER : Après avoir obtenu mon diplôme à TFS, je souhaitais poursuivre une carrière dans le monde des affaires. J’ai donc obtenu un baccalauréat en administration des affaires de la Schulich School of Business de l’Université York. À la fin de mes études, j’ai intégré la Banque Scotia en tant que banquier aux services commerciaux, un poste que j’ai occupé pendant trois ans. Mon travail consistait à servir de lien entre la banque et les moyennes et grandes entreprises, œuvrant avec des sociétés dégageant un chiffre d’affaires de 10 à 100 millions de dollars par an. En fait, j’étais leur banquier, m’assurant qu’ils disposaient des services financiers dont ils avaient besoin.
Alors que je poursuivais ma carrière dans les affaires et que je progressais dans le milieu de la finance, j’ai croisé une personne que je connaissais qui se portait candidat aux élections. Je parle de Borys. J’ai décidé de m’engager à titre de bénévole dans sa campagne et il été élu député. Un jour après son élection, il m’a appelé et m’a dit : « Yvan, je te fais une offre qui ne se refuse pas. Je veux que tu viennes travailler à mes côtés. Tu vas travailler plus dur que tu ne le fais actuellement et tu vas gagner moins d’argent, mais nous allons changer les choses ensemble. » Voilà la proposition qu’il m’a faite et je l'ai acceptée ! Alors, j’ai quitté la banque et j’ai travaillé à ses côtés à Etobicoke pendant deux ans.
Après avoir vécu cette expérience, j'ai décidé de reprendre ma carrière dans les affaires et je me suis inscrit à la Tuck School of Business à Dartmouth College pour poursuivre une maîtrise en administration des affaires. Ce fut une belle expérience qui m’a amené à travailler comme conseiller en gestion pour une société appelée Boston Consulting Group et je partageais mon temps entre New York et Toronto. J’ai par la suite fondé mon propre cabinet de conseil, que j’ai dirigé pendant deux ans.
C’est à ce moment-là que l’occasion de briguer un mandat provincial s’est présentée et j’ai décidé de la saisir. J'ai quitté mon travail de consultant, je me suis présenté aux élections provinciales et j'ai été élu député au parlement provincial. J'ai exercé ces fonctions pendant quatre ans. Ayant subi une défaite aux élections en 2018, j'avais prévu de renouer avec mes activités de conseiller. Cependant, lorsque la possibilité de briguer un mandat au fédéral s’est présentée après le départ de Borys de la vie politique, je me suis représenté et j’ai été élu député fédéral en 2019. Et me voilà désormais député fédéral.
TFS : À quoi ressemble une journée type pour vous ?
YVAN : Pour moi, il n’existe pas de journée type, ce qui représente un des aspects de ce travail qui me plaît. Je suis amené à accomplir des tâches diverses dans l’exercice de mes fonctions. Ma priorité est de servir mes électeurs avant toute autre chose. Je représente environ 120 000 personnes à Etobicoke-Centre. Mon équipe et moi nous efforçons de les aider à résoudre leurs problèmes avec le gouvernement et de compléter les services qu’ils reçoivent.
Mon travail consiste aussi à être leur défenseur. Je cherche à bien comprendre les priorités et les préoccupations des gens, à essayer de résoudre ces problèmes et ensuite à persuader le premier ministre et les autres membres du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour traiter les enjeux pertinents. Cela peut aller de la façon dont nous abordons les menaces de Donald Trump contre le Canada, aux dépenses consacrées à la défense, à la guerre en Ukraine, au financement des transports en commun, au financement et à la politique des soins de santé, et ainsi de suite. Je consacre beaucoup de temps à me battre pour les changements que nous devons apporter pour faire du Canada un pays meilleur.
Et il y a toute la question de briguer un nouveau mandant, avec sa part d’inconnus et de surprises. On ne peut pas dire que cela fait partie du travail, néanmoins, c'est le processus pour devenir député. De plus, on doit s’y soumettre après quelques années. La préparation de ma réélection m’accapare en ce moment, à l’approche du prochain scrutin.
Pour revenir à la question de journée type, j'ai souvent des journées que je passe à Etobicoke, à la rencontre des électeurs pour connaitre les enjeux qui les préoccupent, assister à des événements dans la communauté et faire du porte-à-porte afin de prendre de leurs nouvelles. Durant ces journées consacrées à ma circonscription, je privilégie le contact avec les électeurs et je suis disponible pour les aider. Certains jours, je suis à Ottawa, où je remplis mes fonctions de législateur. Je participe à la rédaction et au vote des lois, et je consacre une grande partie de mon temps à persuader les décideurs de prendre des mesures visant à améliorent la vie des gens à Etobicoke-Centre et partout au Canada.
TFS : Qu’est-ce qui vous donne le plus de satisfaction dans votre travail ?
YVAN : Je pense que ce qui me procure la plus grande satisfaction, c’est lorsque je réussis à apporter des changements positifs dans la vie des gens. Dans une démocratie, pour faire avancer les choses, il faut convaincre beaucoup de gens et cela peut être difficile. Je mène de nombreuses batailles et je défends de nombreuses idées qui, selon moi, seront bonnes pour la population. Je ne gagne pas toutes les batailles, mais je crois que lorsque vous pouvez persuader les gens de faire ce qui est juste et que cela touche des centaines de milliers de vies, c'est l’aspect de mon travail que je préfère. Je trouve cela vraiment gratifiant parce que c’est la raison pour laquelle je mène ce combat : pour améliorer la vie des gens. Selon moi, cela devrait être la motivation principale de quiconque brigue une charge publique, à quelque palier que ce soit.
TFS : Comment votre expérience à TFS vous a-t-elle aidé à arriver là où vous êtes aujourd’hui ? Parmi les cours, les activités parascolaires ou les projets auxquels vous avez participé ou les expériences que vous avez vécues à TFS, y en a-t-il qui vous ont préparé à votre carrière ?
YVAN : J’ai acquis une solide éthique du travail à TFS. La barre a été placée très haut en matière de réussite scolaire, ce qui m'a appris à avoir une pensée critique, à analyser de manière raisonnable toutes les facettes des problèmes et à toujours chercher à bien faire les choses. Cet état d’esprit m’a aidé dans tous les aspects de la vie, de ma carrière à ma vie personnelle.
Tout aussi important, TFS favorise une communauté soudée où prime le travail en équipe. Le dévouement des enseignants, du personnel, des parents et des anciens élèves m’a appris à œuvrer avec les autres à la réalisation des objectifs. Dans tous les domaines, notamment dans le domaine politique, la réussite repose sur votre capacité à persuader et à collaborer de manière efficace.
Il y a quelques années, lorsque j'étais à l'école de commerce, j’ai participé à une réunion publique avec Jeff Immelt, le PDG de General Electric à l'époque. Il était vif, prêt à répondre à toutes les questions, et puis une question l’a fait hésiter. Interrogé sur les avantages qu’il a tirés de sa M.B.A., il a répondu que dans les années qui suivent l'obtention du diplôme, on ne se souviendra pas de la plupart de ce qu’on a appris en cours de comptabilité, de finance ou de marketing, mais la véritable valeur d'une M.B.A. se trouve dans la confiance qu’elle inspire quand on se prépare à prendre des risques et à réaliser ses rêves. Sa réponse m’a marqué, et je pense que TFS m’a laissé une empreinte similaire. Quand j’ai commencé mes études à l’université, mon objectif ne se limitait pas à acquérir des connaissances. Je m’étais doté d’une éthique de travail, d’une discipline et des compétences en travail d’équipe qui m’ont permis de me dépasser en toute confiance. TFS m’a mis sur la voie de la réussite, m’offrant de nouvelles possibilités et expériences qui ont façonné ma carrière.
TFS : Comment la langue française et le bilinguisme ont-ils influencé votre carrière ?
YVAN : Le français a eu une incidence considérable sur ma carrière. Je n'ai pas d’origines francophones, toutefois ma famille tenait à ce que j'apprenne le français. Étant donné que notre pays est bilingue, ma famille estimait que je devais parler les deux langues officielles. J'ai commencé mes études à TFS sur le campus ouest, alors connu sous le nom de succursale de Mississauga. Pour aller au lycée, il fallait énormément de temps pour me rendre tous les jours au campus de Toronto mais nous avons fait le trajet aller-retour parce que ma famille accordait une très grande valeur à l’éducation de TFS et à l’apprentissage du français. C’est grâce à mes compétences linguistiques que je peux réaliser une grande partie du travail que je fais aujourd’hui.
Lorsqu’on veut faire avancer les choses en tant que député, il est nécessaire de collaborer avec d'autres députés appartenant à différents partis politiques dans différentes régions du pays. La plupart d'entre eux sont francophones. Pour cette raison, il est très important pour moi de savoir m’exprimer en français.
En ma capacité de député, ma priorité est de servir mes électeurs, mais je milite également pour ce qu’il y a de mieux pour le Canada. Pour y parvenir efficacement, je dois comprendre les préoccupations et les priorités des Canadiens de toutes origines. Mes compétences en français m’ont été indispensables me permettant d’apprendre, de comprendre et d’apprécier des points de vue différents.
TFS : Quelles compétences ou leçons tirées de TFS employez-vous le plus souvent dans votre travail ?
YVAN : Les compétences comme la collaboration et l’empathie sont essentielles dans l’exercice de mes fonctions. Lorsque j’étais élève à TFS, l’école faisait la promotion de la valeur de la diversité, non seulement en termes d’origines, mais aussi de perspectives, d’expériences et de façons de percevoir le monde. Cela a façonné ma propre vision du monde. En tant qu’homme politique, vous n’imposez pas vos points de vue à votre communauté. Au contraire, votre communauté définit vos priorités. L’ouverture d’esprit, l’empathie et la capacité à comprendre divers points de vue sont essentielles. TFS a également insufflé en moi une solide éthique de travail et un esprit de communauté. Le succès n’était pas défini par la richesse ou la classe sociale, mais par les objectifs propres à chacun, qu’il s’agisse de réussite financière, de faire la différence ou de quelque chose de complètement différent. Cet état d’esprit m’a permis de mieux envisager ce à quoi pourrait ressembler l’avenir.
TFS : Quelle a été votre expérience la plus mémorable à TFS ?
YVAN : La remise des diplômes m’a particulièrement marqué. J'étais l'un des trois majors de promotion cette année-là, ce qui était un immense honneur pour moi. Prononcer mon discours et voir mes camarades de classe dans ce moment de joie demeure un souvenir particulièrement marquant.
Ma participation au concours de vers et de prose à TFS m’a aussi marqué. Chaque élève était invité à présenter une œuvre qu'il avait créée. Même si mon premier essai était bon, l’intérêt que mes camarades de classe y portaient m'a incité à faire un plus grand effort l'année suivante. Je l’ai fait et j’ai remporté le prix. Mais plus que la victoire, j’ai adoré le processus. C’est-à-dire prendre la parole en public, exposer une idée et gagner sa cause. Cette aventure m’a incité à trouver d’autres possibilités au-delà de l’école, comme animer des événements, prendre la parole en public et perfectionner mes talents d’orateur. Avec le recul, ce fut un moment décisif qui a contribué à préparer mon entrée dans la vie politique.
TFS : Quels conseils donneriez-vous aux élèves ?
YVAN : Je dirais qu’il faut savourer chaque instant et apprendre autant que possible, non seulement de vos cours, mais aussi de vos camarades de classe et de vos professeurs, et ce, tout le temps. Il est trop tôt pour décider de façon définitive son avenir. D’ailleurs, même les gens de mon âge s’interrogent sur ce qu’ils doivent faire dans la vie. Le meilleur conseil que je puisse donner est de participer pleinement aux activités de l’école, tant au niveau scolaire que parascolaire. Certaines activités qui semblent sans importance aujourd’hui peuvent s’avérer très utiles plus tard.
TFS : Qu'avez-vous ressenti lorsqu’on vous a décerné le prix de distinction des anciens élèves ?
YVAN : C’est un immense privilège, d’autant plus que je sais qu’il y a de nombreux anciens élèves de TFS qui accomplissent de grandes choses dans leur vie. Certains d’entre eux restent de bons amis avec qui je m’entretiens régulièrement. Quant aux autres, j’ai suivi la carrière de certains dans les journaux, j'ai bénéficié des connaissances d’autres, ou j'ai croisé d’autres encore au fil des ans. Cela me touche profondément d’être récompensé parmi eux. Une telle récompense s’accompagne d’une certaine responsabilité : celle d’être à la hauteur de ce qu’elle représente et de continuer à incarner les valeurs que TFS m’a transmises.
TFS : Que diriez-vous aux anciens élèves ou aux membres de la communauté de TFS pour les encourager à proposer une candidature au prix de distinction des anciens élèves ?
YVAN : Tout d’abord, je dirais que cette récompense compte plus pour les lauréats que la plupart des gens ne le pensent. Dans mon cas, je serai toujours reconnaissant à mon camarade de classe Jonathan Eisler d'avoir proposé ma candidature. Ce prix compte plus pour moi que je ne l'aurais jamais pensé. Non seulement il y a consacré son temps, mais il a également vu la valeur de mon travail et l'a jugé important, même si nous ne nous voyons pas souvent. Cela m’a beaucoup touché.
Deuxièmement, il est important de proposer ces candidatures car ce geste incite les gens à continuer à faire œuvre utile. Lorsque vous faites du bien dans ce monde, vous avez tendance à récolter le bien. Lorsqu’on récompense une personne pour ses contributions à la société, c’est une façon non seulement de lui rendre hommage, mais aussi de l’inciter à continuer à œuvrer pour changer les choses. Le bien revient aux bienfaiteurs.